Envols, Danièle Weiller Médioni, 80 p., mariant textes et images (65 illustrations de l’auteur et d’œuvres d’art), format 24 x
25,3 cm, éd. Manson, Paris 2021.
Extrait d’un texte: Deux bibliothèques en une
Un monde de présences. Un appartement mozartien, m’a-t-on dit, dont l’entrée est tapissée de livres. Ils surgissent de
partout, reposant sur des étagères ou dissimulés au fond des placards. Et, semblables à mon piano blanc, rarement
utilisé mais toujours ouvert dans une calme attente, résorbant le temps en une durée pure et mélodieuse, ils diffusent
eux aussi une musique omniprésente.
Ils sont là qui veillent, à la même place depuis des années, pour certains des décennies. Les voir, les sentir, suffit à
réveiller en moi un monde de réminiscences. Ils m’enveloppent de bruissements, de voix inconnues, bienfaisantes, qui
m’interpellent et me plongent dans des questionnements infinis. Des chemins d’humanité, des chemins vers le ciel.
Cependant, depuis quelque temps, la bibliothèque a changé de visage. Lorsque je m’approche des livres, je perçois un
doux murmure, comme une plainte, dont je devine le message. Car, il y a quelques années, préparant un déménagement que
je pensais assez proche, j’avais soustrait une partie d’entre eux de leur place habituelle et je les avais transportés
dans un autre domicile, que j’appelle la maison du Parc. Je privais ainsi ceux qui restaient de très proches compagnons,
voisinages que j’avais autrefois soigneusement imaginés lorsque je les disposais sur les étagères, supposant des
affinités possibles, anticipant des découvertes réciproques. Violence d’une séparation qu’ils ont dû vivre comme une
amputation. […]